lundi 26 octobre 2015


BONS BAISERS DE RUSSIE


Interview de Bob Asklöf par François Justamand dans le cadre de la convention James Bond au printemps 1998 à Chantilly




Q : Bons baisers de Russie est votre 3ème 45 tours chez ¨Pathé-Marconi" comment s'est déroulé le début de votre carrière et pourquoi êtes vous venu chanter en France ?
Je vais essayer de répondre à vos questions du mieux possible. Ma carrière a commencé à ma naissance, en fait j'ai toujours chanté dans les fêtes de fin d'année scolaire. Après comme soprano/garçon dans le choeur de l'église de la ville, ce que j'ai dû arrêter quand ma voix a commencé à muer.
Depuis l'enfance je rêvais de devenir chanteur et c'est vraiment un paradoxe qu'après avoir enfin pu le devenir, cela avec le temps est devenu ma plus grande déception. J'avais la voix, le look, mais pas la maturité qu'il aurait fallu avoir dans cette situation là.J'envie les jeunes qui chantent aujourd'hui parce qu'ils sont tellement conscients du but, de faire une carrière,d'être un produit justement, et le meilleur possible. Moi je ne savais rien de tout ça, je détestais me sentir comme un produit, je ne comprenais pas que c'était ça la réalité. Moi je voulais chanter le plus possible par le simple fait que j'adore chanter. C'est tout ce qu'il y a autour qui m'a dégoûté et que j'ai décidé d'arrêter net. Tout le monde a cru que j'étais devenu fou, c'était une décision folle que j'ai regrettée depuis.
Bref quand j'ai terminé l'école j'avais 16 ans, je suis parti de mon village près de la forêt pour m'installer à Stockholm. Et là tout en ayant un travail, j'ai essayé pendant des années de devenir chanteur en participant à des concours. Cela a mené à ce que je sois engagé dans un groupe (Les Glenners), nous étions 4 et on a fait des tournées en Suède, j'avais également été admis dans une école de théâtre.
Un jour, nous avons eu un contrat d' un mois pour chanter dans un night-club de Tel-Aviv, et après nous devions tous rentrer en Suède. Bateau jusqu'à Marseille, et train jusqu'à Paris. Les autres repartent, moi je reste, nous sommes en décembre 1962. Je voulais apprendre le français, cette langue me fascinait depuis que j'avais entendu Piaf chanter à la radio. Je vivais alors dans un petit hôtel (Pax), rue St-André des arts.
Un jour Juliette Gréco que j'avais rencontré en Israel, me dit il y a une annonce, une maison de disque cherche des chanteurs, tu sais chanter, pourquoi tu n'y vas pas ? Je me rends au studio EMI à Boulogne et ils sont sidérés, et puis le grand cirque se met en route et tout va de plus en plus vite.

Q : Pourquoi et par qui avez vous été contacté pour chanter cette chanson (Bons baisers de Russie) ?
Je ne rappelle pas vraiment, mais je crois que c'est l'éditeur qui me l'a présentée, ou mon directeur artistique qui me l'a fait écouter. J'ai tout de suite adoré cette chanson, et j'ai senti qu'elle était parfaite pour moi.

Q : Où s'est passé l'enregistrement, et à quelle date exacte ?
Dans les studios EMI à Boulogne en décembre 1963, mais je ne me souviens pas de la date exacte.

Q : Avez vous des anecdotes sur l'enregistrement ?
Je me rappelle de cet orchestre énorme qu'on avait réuni, c'était un rêve pour un chanteur. Et j'adorais chanter, en studio ou sur scène. Je me rappelle avoir aussi eu d'énormes difficultés avec le dernier : loin---de si loin pour moi. Je n'ai pas réussi à rendre ces mots assez "ouverts" à mon goût. A la dernière note, le studio était bouche bée et de celle-là, je suis très content.

Q : L'orchestre était dirigé par Paul Piot, vous souvenez vous qui était l'arrangeur de la chanson.
Paul Piot était l'arrangeur de cette chanson, et de toutes celles que j'ai enregistrées, et je trouve encore que tout au long de ma carrière, il a toujours fait du très bon boulot.

Q : Savez-vous pourquoi vous n'êtes pas crédité à la fin du générique français ?
Non, c'est une injustice monstre, je trouve. Mais je ne sais pas ce que je pourrais faire pour que justice me soit rendue. C'est complètement fou que l'on dise que c'est Matt Monro qui chante alors que c'est moi.

Q : Dans la version vidéo votre chanson est écourtée à 45 secondes, savez-vous si c'est un problème de droits ?
Probablement, si l'on avait gardé toute la chanson, avec mon nom au générique, et tous les passages du film dans les pays francophones, j'aurais gagné beaucoup d'argent je crois, mais qu'est-ce que je peux y faire ?

Q : La chanson s'appelle "bons baisers de Russie", on n'entend pas ces mots dans la chanson, savez vous si au départ elle ne portait pas un autre titre "de si loin pour moi" par exemple (voir lettre de Pierre Saka) ?
Je ne me rappelle pas du tout de cette version : je reviens etc...Par contre je peux m'imaginer qu'il y aurait pu y avoir une version : de si loin....Mais pour moi du début jusqu'à maintenant la chanson s'est toujours appelée "bons baisers de Russie".

Q : Etes-vous fan des films de James Bond, si oui,  quelle est votre chanson préférée ?
Je ne suis pas vraiment fan. Même si j'aime beaucoup tous les films de James Bond, mes préférés sont ceux avec Sean Connery. Ma chanson préférée ?
"I got a license to kill" par Gladys Knight, "goldfinger" par Shirley Bassey, et celle chantée par Tina Turner "goldeneye" bien sûr.

Q : Après 15 ans de cinéma et de chanson, vous avez quitté la France à la fin des années 70. Avez-vous vraiment arrêté le métier ou pensez vous revenir un jour ?
Oui, j'ai maintes fois pensé revenir dans le métier chanson et cinéma. J'ai passé de longues années à me mordre les doigts d'avoir laissé tout ce que j'avais envie de vivre, la place que j'avais, et d'avoir arrêté de chanter alors que c'est ce que j'aimais le plus. 
Si j'ai quitté la France et suis rentré en Suède, ce n'est pas du tout parce que j'avais le mal du pays, j'adore la France, mais il s'était passé des choses tragiques et j'ai dû prendre de la distance avec ça. Une fois rentré, j'ai fait une expo qui n'a pas très bien marché,  j'ai décroché un rôle dans une pièce consacrée à Edith Piaf, et puis un autre dans "jouer avec le feu" d'August Strindberg, je me suis senti honoré et enrichi de jouer un tel auteur.
Puis plus rien, les gens se sont demandé : où est Bob ? pourquoi tu ne chantes plus, pourquoi tu ne joues plus ? Je répondais pourquoi refaire quelque chose qu'on a déjà fait en rêvant secrètement : quand auront ils besoin de moi ?
Donc pour répondre à votre question oui j'aimerai revenir, parce que j'adore chanter et jouer des rôles, et je sens que j'ai encore beaucoup à donner. En attendant, j'écris des nouvelles, des contes, des poèmes, des causeries. Parfois je peins encore.
Je suis mon destin.






                                                   photo Cécile Puech
Nous tenons à remercier chaleureusement François Justamand pour l'intérêt qu'il manifeste toujours à Bob Asklöf, et pour l'aide précieuse qu'il nous a apportée à plusieurs reprises.