lundi 23 janvier 2017

L'HOMME A CÔTE DU LAC

C'est autour du lac Judarn à Bromma que Bob aimait quel que soit le temps faire chaque jour une longue promenade.




Ce lieu, qu'il aimait beaucoup lui a inspiré cette nouvelle "l'homme auprès du lac", publiée sur "l'allume-rêves" le blog de Monika Swuine



L'Homme à côté du lac
(Nouvelle de Bob Asklöf)
Il savait que ce n’était pas la peine de dire quoi que ce soit, alors il se taisait. Le soleil de juillet brillait à travers le feuillage et faisait du lac un grand miroir. Presque comme dans un roman, ou dans un film, pensait-il, mais en mieux. L’air donnait la bonne proportion à tout.

«Étrange qu’il faille être silencieux pour ne pas être mal compris, enfermé ou crucifié.» Ainsi pensait-il, assis à côté du lac sous les arbres. Il avait avait soixante et un ans, c’était tout ce qu’il savait. «Je suis peut-être fou ?

— Bien sûr que tu es fou, ricana une voix. Ce n’est pas nouveau. N’essaie pas de te rendre spécial, ne sois pas si prétentieux. N’est pas fou qui veut, tu le sais. Tu n’es pas fou, ou alors tu ne peux pas le devenir plus que tu ne l’es déjà.»

Un Démon avait surgi, là, au milieu de cette belle forêt, presque comme au cinéma. mais c’était pire. Il disait :

«Tu es mauvais !… Tu as blessé beaucoup de gens, tu les a déçus, et Lui surtout, ton Meilleur Ami, sur qui tu as déversé toute ton artillerie de mots assassins.

— Oui, c’est vrai, mais lui non plus n’était pas commode, et pour les autres que j’ai blessés. je regrette amèrement mes erreurs, chacune de mes erreurs, bien sûr, et leur nombre est incalculable, mais je ne savais pas que c’étaient des erreurs.— Oui, oui, disait le Démon. tu as beau essayer de te défiler, j’aurai toujours prise sur toi.

— Non !… cria l’homme. Et son cri résonna dans la forêt comme dans une église vide…

— Non, tu n’as aucune prise sur moi, tu n’es pas moi, tu es un démon l Je ne peux quand même pas regretter mes erreurs encore et encore, et cela toute ma vie. Comprendre ses erreurs, c’est trouver leur pardon. Vade retro Satanas… »

Ne sachant plus où s’agripper avec ses griffes pointues, le Démon disparut.

Et l’homme se retrouva tranquille, un vide rempli de paix. Presque comme dans un roman ou dans un film, en mieux : c’était étrange, surnaturel.

Mais sans doute faut-il croire que la Nature a vraiment horreur du vide. car, insidieusement. un autre Démon était déjà arrivé. Déguisé en Voltaire, il coassa :

«Mais qu’est-ce que tu cultives MAL ton jardin, toi !»

Il devint vert foncé comme une grenouille, comme au cinéma, mais c’était plus affreux.

«Tu te prends pour qui ? cria-t-il. J’exige que tu te passes immédiatement le programme d’auto-sous-estimation. je le veux. je le veux !». Furieux, il sautillait comme un enfant qui n’a pas eu ses bonbons.

« O.K., fit l’homme. Je ne vaux pas un clou… Et alors ? Tu connais quelqu’un de parfait,toi ? Tu es parfait. toi ?…

— Oui, cria le Démon. je suis parfait. Parfaitement diabolique, ha ha ha ! D’ailleurs, voici Monsieur Parfait qui arrive, il peut confirmer ce que je pense de toi.

— Bien sûr, bien sûr, fit Monsieur Parfait, et sa voix était stridente, comme d’habitude.

— Il ne vaut rien cet homme. il a tous les défauts, toutes les faiblesses,toutes les lacunes qu’un humain peut avoir. C’est un être vraiment TRÈS mauvais, pas du tout parfait comme MOI. La voix du Démon était tranchante comme un bistouri dans la tête de l’homme. Mais l’homme se défendit de toutes ses forces puis cria de nouveau : Vade retro Satanas !… »

Et tout redevint silencieux. « Suis-je fou ? C’est tellement bizarre de se poser des questions qui n’ont pas de réponses, c’est comme au cinéma, mais c’est pire. Est-ce moi qui crée chaque détail de ma vie?

« Oui et non. Les deux sont vrais…

« Comme c’est étrange. Je sais que je suis responsable de moi-même, de ma vie, de ce que je fais, de ce que je dis, de ce que je pense, etc. Responsable, je le suis. Mais dans beaucoup de circonstances, qui dirige ? Qu’est-ce qui décide du moment où j’arrive à mes limites pour décider, choisir, changer et influencer les choses?»

Maintenant le soleil commençait de se coucher et brillait droit dans les yeux de l’homme, et le lac reflétait la lumière de soleil comme un miroir. La lumière passait par des fines vagues autour des arbres, à travers les feuillages, droit dans ses yeux. Presque comme dans un film, mais c’était plus lumineux et beaucoup plus vivant. Il était assis là, aveuglé par cette lumière, et il devenait lumière.

Depuis plus personne ne l’a vu.




L'homme à côté du lac peinture de Bob